samedi 1 septembre 2012

Le no man's land

Bonjour a tous.


Aujourd’hui je fais une petite mise a jour de mon blog avec un texte en hommage a un combattant de la 1ere guerre. Il est écrit de ma main. J'ai tenté de me mettre dans la tête de cet homme qui a vus beaucoup d'horreurs et qui a énormément souffert dans les tranchées. Le style est hésitant et peut être que cela ne vous plaira pas. Je n'en sais rien ! 

Je vous laisse seul juge.

ElodieNancy


Le no man’s land pour un combattant c’est l’espace entre la tranchée ennemie et la sienne. C’est cet endroit où, en dehors des assauts, personne ne va.
Mais parfois cette zone « neutre » peut être le lieu de toutes les terreurs et de toutes les souffrances pour un soldat…

J’m’appelle Fernand, j’ai 27ans. Dans le civelot j’suis vigneron du côté de Troyes.  La guerre m’est tombée dessus d’un coup, et comme les copains je n’ai pas eu le choix.  Il a fallu que je parte pour Nancy. Me voilà donc incorporé au sein du 37ème RI qui fait partie de la 11ème Division d’Infanterie. La Division de Fer comme on l’appelle ici. 

 Dés le début de la guerre le régiment est envoyé au front.  J’y vois les pires horreurs… Jamais je n’aurais imaginé ça ! A l’incorporation on est parti en chantant la fleur au fusil. « Vous s’rez d’retour à Noël qu’y disaient ! »… Ben tiens…

Nous voilà donc au feu et en 1ère ligne en plus… On nous fait charger les boches comme à l’époque de Napoléon. En courant droit devant sans se soucier de rien d’autre que de les rosser. On voit les copains qui s’écroulent autour de nous mais on ne peut rien faire pour eux. Il faut continuer à avancer sous les tirs des maxims allemandes qui tirent en continu. On s’planque comme on peut on rampe mais on n’avance pas… C’est un véritable cauchemar qu’on vit… Il y a aussi les tirs de l’artillerie boche qui nous tombent sur l’coin de la figure et qui nous empêchent de faire quoi que ce soit. Dire que les journaux racontent que les balles allemandes se contentent de perforer la chair de part en part sans faire de dégâts  et que les obus allemands n’explosent pas car pas assez costauds… J’voudrais bien les y voir moi les journalistes ! Y f’raient pas les malins moi je vous l’dis !

Le pire de tout c’est après la charge quand on nous donne l’ordre de repli. Une fois le silence revenue on entend  depuis la tranchée les cris et les gémissements des pov bougres qui sont restés sur le carreau et qu’on ne peut pas aller chercher. Ils sont dans le no man’s land et chaque tentative de récupération déclenche une salve de tir de mitrailleuses boches. Il n’y a pas d’autre choix que de les laisser là… On tente de calmer les gars en leur disant qu’on va v’nir les chercher mais on sait que c’est pas possible. Les cris finissent par se taire et les pov types meurent seuls… On y peut rien nous dit not’ lieutenant ! C’est comme ça, c’est la guerre !

A la prochaine charge on passera sur les corps ou on écrasera les blessés pour avancer… Le pire c’est la nuit. Les cris nous parviennent comme des plaintes d’animaux blessés et nous empêche de dormir… Ces cris nous hanteront surement longtemps…

 Après avoir combattu en Lorraine à Morhange puis sur les hauteurs du grand couronné à Léomont  on est envoyé en Picardie. Je sais pas où on va exactement mais les camarades et moi on en a plein les bottes ! Les sacs nous scient les épaules et l’équipement, à mesure que les kilomètres passent,  devient de plus en plus lourd.

On est en octobre 1914 et comme si les marches et le poids de l’équipement n’étaient pas suffisants pour nous pourrir la vie, le mauvais temps est là…  La pluie trempe nos uniformes et la boue alourdit nos brodequins. On grelote de froid parce que le drap de laine mouillé colle horriblement à la peau et n’apporte aucune chaleur… On finit enfin par s’arrêter dans un cantonnement.  Après un bref repos de 2 jours on nous apprend qu’on doit monter en lignes afin de tenter de prendre un village dont on ne connait même pas le nom…

Les copains grognent mais on compte sur nous… Pis toute façon on n’a pas le choix ! Faut bien obéir sinon  les punitions tombent. Les corvées de latrines, les peines de prison ils aiment ça nos chefs ! Pour eux,  nous les pov trouffions,  on doit juste savoir se taire et exécuter les ordres !
On se retrouve à nouveau en 1er ligne. Il est 14h30. On attend assis dans notre tranchée qu’on nous donne l’ordre de monter à l’assaut. On sait que c’est pour dans 1h et que nos chefs attendent beaucoup de nous. La reprise de ce village semble très importante pour eux.

On nous donne de la gnole. Un truc bien fort car y parait que les hommes rechignent moins à sortir une fois enivrés. C’est surement vrai …

Je bois mon coup comme tout le monde mais j’ai une drôle d’impression… J’ai la trouille ! Malgré « l’habitude » de monter en ligne je ne peux m’empêcher d’éprouver une sorte de malaise… Mes mains tremblent, j’ai la gorge en feu et du mal à respirer… Je ne sais pas d’où ça vient mais j’la sens vraiment pas cette attaque.

Je me mets à penser à ma famille pour oublier ces mauvaises pensés mais ce n’est pas évident… Je m’imagine a leurs cotés dans les vignes de Saulcy mon village natal. Il fait un peu froid mais je suis bien. On rit avec ma sœur et tout va bien. Tout le monde est heureux et la guerre est loin ! C’était le bon temps ! La au moins je n’avais pas peur et il faisait bon vivre ! Un mouvement autour de moi me fait sortir de ma rêverie. L’attaque est pour dans 5mn. Je vérifie une dernière fois mon équipement et fixe ma baïonnette sur mon fusil.  J’me sens toujours aussi mal et j’mets ça sur le dos de la mauvaise gnole que j’ai bue.

Voilà le coup de sifflet ! On sort de la tranchée en courant le plus vite possible. Déjà les Allemands nous tirent comme des lapins ! Je vois des copains s’écrouler devant moi mais je continue à avancer. D’un coup je sens au niveau de mon ventre comme une sorte de piqûre. Je me laisse tomber en avant. Je crois que je perds consciences quelques instants… Je suis étendu là dans le no man’s land.  Quand je reprends mes esprits, je me rends compte que j’suis touché par une ou plusieurs balles… Je saigne beaucoup. Je me mets à appeler les brancardiers mais personne ne vient à mon secours. J’vois les autres qui passent à coté de moi sans m’regarder. Je comprends maintenant d’où venait cette mauvaise sensation… Je le sentais que ça allait mal se passer !

Je sombre à nouveau dans l’inconscience… Quand je reviens à moi je suis toujours là sur le sol au milieu des cadavres mais tout semble calme. L’attaque est finie. Je tente d’appeler à l’aide mais aucun son ne sort de ma bouche. Je n’ai plus de force. Mes camarades m’ont laissé tomber comme j’en ai trop laissé tomber…

J’entends des bruits autour de moi. Je lève un peu la tête et voit des hommes en uniforme qui se dirigent vers moi. C’est des boches ! Avec le peu de force que j’ai,  j’essaie de saisir mon fusil tombé à côté de moi. Ils m’en empêchent. J’entends une voix qui me dit « Habe keine Angst. Man wird dich pflegen. » (« N’aie pas peur. On va te soigner ») J‘me laisse faire en voyant que c’est un brancardier mais je ne comprends pas ce qu’il me dit. Et puis j’ai tellement mal… 

Ils m’emmènent  sur un brancard et me laissent à un poste de secours. La douleur me fait perdre connaissance une fois encore. Par la suite on me transporte à l’arrière dans un hôpital de campagne. Durant le trajet une sensation de bien être m’envahit. Je ne sens même plus la douleur. Je vois mes parents et ma sœur autour de moi. Je suis avec eux. On est dimanche et on mange en famille comme toutes les semaines. Maman a préparé sa célèbre tarte aux pommes et papa a débouché une bonne bouteille de champagne pour fêter mon retour. Tout semble aller bien mais une chose étrange se dégage de la scène…  Ils me sourient d’un sourire trop triste. Je ne sais pas pourquoi… Aujourd’hui j’ai compris…

 Je ne suis jamais sorti de l’hôpital… je suis mort des suites des mes blessures quelques jours après avoir était blessé. Mes parents ont reçu la nouvelle par les gendarmes et je sais qu’ils ont beaucoup pleuré.

 Les Allemands m’ont inhumé à Vitry en Artois dans un cimetière civil aux côtés d’autres soldats Français morts comme moi à l’hôpital ou cadavres déjà froids, ramassés sur le champ de bataille.
La guerre est une chose épouvantable. Celle-ci  a fait mourir tant de jeunes hommes que je me demande comment la France et même l’Allemagne vont s’en relever. Enfin toute façon je ne suis plus là pour le voir alors…

L’histoire de Fernand a été écrite à partir de bribes de son histoire trouvées sur sa fiche matricule sa fiche SGA et le JMO de son régiment. Merci de l’avoir lue jusqu’au bout.

Voici le portrait de Fernand Boiteux. Il date de quelques temps avant la guerre quand il a effectué son service militaire au 160eme RI.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Merci a vous pour vos sympathiques commentaires !